Essai de la septième génération de M5, qui se révèle aussi lourde qu’une Rolls-Royce Phantom, qu’un van aménagé type Volkswagen California ou que deux Renault Clio. Voilà qui plante le décor.
Elle entend perpétuer la tradition de l'une des berlines sportives les plus aimées de la grande histoire de l’automobile, réputée par le passé pour ses mécaniques savoureuses, son équilibre délicieux et sa polyvalence quasi-unique. Problème : le poids de la nouvelle M5, supérieur à 2,5 tonnes, et son gabarit, qui dépasse désormais les 5 mètres de long, se dressent comme des obstacles à toute forme de sportivité.
On peut donc déjà critiquer et dénigrer cette nouvelle génération appelée G90, sans oublier de conspuer BMW. Mais il faut aussi s’interroger : tout ça, c’est à cause de qui ? De nous, européens, forts de décisions géniales menant à électrifier nos voitures, pour mieux "sauver la planète". Produire des véhicules toujours plus lourds n'est pourtant pas LA solution. Et ça ne l'est pas non plus pour les rendre plus amusants... Bref. Le résultat est là, sous vos yeux : une M5 qui se prête au jeu de l’hybridation rechargeable, embarquant une batterie d'environ 200 kg (7 900 € à elle seule), qui permet 67 kilomètres d'autonomie électrique selon le cycle d’homologation. Dans certains pays du Vieux Continent, cette électrification lui permet d’accéder aux défiscalisations gouvernementales propres aux véhicules de société ; la M5 semble ainsi transformer la passion en une notion rationnelle. Ou vendre son âme au diable.
Les chefs d'entreprise ainsi que leurs meilleurs éléments pourront donc dépasser les 300 km/h, s’ils ont choisi le Pack Experience M (2 500 €). Et rouler en mode électrique la semaine, jusqu’à 140 km/h, avec un moteur synchrone de 197 ch en entrée de boîte, pour promener un engin se laissant très facilement prendre en mains. Reste, pour les amateurs, à découvrir les sensations éprouvées au volant…
Si “Béhème” a eu l’outrecuidance d’électrifier la M5, la marque n’a pas délaissé le V8. Et c’est déjà une excellente nouvelle. Quand une berline 100 % électrique telle que l’Audi e-tron GT accélère (encore plus fort que cette M5), elle le fait froidement. Là, les passages de rapports et la sonorité du moteur, pourtant pas très démonstrative, contribuent à construire une émotion, à imprimer un rictus sur votre visage.
Pour la santé morale d’un amateur de mécanique, mieux vaut s’envoyer de 0 à 100 km/h en 3,5 secondes avec un V8 qu’en 2,5 secondes avec un moteur de lave-linge. On notera tout de même que la précédente mouture de M5 faisait mieux sur cet exercice, avec un chrono de 3,3 secondes… vérifié par nos soins. Le couple, réparti sur les deux essieux mais avec une prédominance à l’arrière, paraît débordant (1 000 Nm !), et la puissance, portée à 727 ch cumulés, ne manque jamais, même à des vitesses deux fois supérieures à celles que l’autoroute française autorise. L’ascension continue à l’approche des 300 km/h. Ça pousse encore, ça pousse toujours. Vertigineux. Il faut alors projeter sa vision aux limites de l’horizon et se concentrer pour ne pas relâcher une pédale que l’on hésite parfois à enfoncer au-delà des deux-tiers de sa course… Le reste, c’est le dessert, la petite friandise que l’on s’offre une fois de temps en temps, tout en conservant une idée en tête : l’insonorisation de ce vaisseau donne l’impression de rouler très, très en deçà de ce qu’indique le compteur.
En Bavière, terre d’accueil de notre essai, les courbes existent aussi. Et à l’approche des virages, toujours pour la santé morale, cela serait mieux avec 500 kg de moins sur le train avant. Les prouesses technologiques permettent de défier les lois de la physique, pas de les effacer ; alors qu’elle est la première M5 à disposer d’un essieu arrière directeur (jusqu’à 1,5° de braquage seulement), la G90 souffre dans le sinueux. Sa suspension majestueuse, réglable et capable de générer un très bon confort ou une franche fermeté, absorbe les défauts de la chaussée sans sourciller. Mais la boîte de vitesses se montre un brin trop lente dans ses réactions et la direction, avec son assistance trop présente dans les virages, ne renvoie que peu de ressenti quant au niveau d’adhérence. Elle vous adresse toutefois une recommandation : celle de ne pas trop insister, de garder en mémoire que l’inertie n’est pas qu’un concept. Il semble donc difficile de jauger les limites, et très imprudent d’engager le mode 100 % propulsion, qui déconnecte des assistances à la conduite salvatrices sous la pluie.
A rythme soutenu, cette folle berline ne se révèle donc pas aussi enthousiasmante qu’espéré. Le poids, pardon d’insister, joue aussi son rôle au freinage, même si l’endurance des ensembles carbone-céramiques (9 950 €) ne nous a évidemment pas fait défaut sur les routes d’essai. L’ABS rappelle trop souvent sa présence, malgré des pneus de 285 mm de large à l’avant. On notera par ailleurs une donnée intéressante liée aux freins : le dispositif de régénération, réglable selon trois positions depuis la dalle tactile, est capable de charger jusqu’à 60 kW sur les phases de freinage, et de continuer à “récupérer du jus” même lorsque le freinage par friction opère. Cela contribue à recharger plus efficacement la batterie. Voilà pour la parenthèse technique qui, c’est vrai, ne change rien aux émotions que l’on attend d’un trajet en M5. Pour ça, on est loin de la magie d’une M5 e34, qui se comporte comme une ballerine, ou de l’osmose d’une M5 e39, au gabarit relativement compact, au V8 merveilleux et à la direction encore hydraulique qui vous indique la forme de chaque gravillon. Mais ces modèles, que BMW nous a permis de réessayer, datent d’une époque lointaine, où l’on croyait la planète incassable, où extraire 400 ch d’un V8 atmo paraissait grandiose. C’était peut-être mieux avant. Ou est-ce l’âge du journaliste qui influe sur son jugement ? Il y a sûrement un peu de ça…
Là, à bord de cette M5 d’une nouvelle ère, c’est le luxe à tous les étages, un raffinement extrême mêlé d’une technologique époustouflante. Tout se règle depuis l’écran tactile d’une taille généreuse, de l’amortissement piloté à la vitesse de la transmission automatique, en passant par la sonorité des échappements sport à clapets, l’amplification sonore via les haut-parleurs, les programmes de conduite, le niveau d’hybridation, l’assistance de direction, l’apparence des compteurs, l’écartement des maintiens latéraux des sièges avant, la régénération, le store arrière électrique… C’est débordant ! D’autant qu’à eux seuls, les menus des multiples réglages influant sur la conduite et le châssis exigent apprentissage, patience et efforts de concentration.
On nage ici dans le luxe, la technologie et le raffinement d’un véhicule capable de se garer tout seul ; nous sommes à bord d’une berline d’affaire polyvalente et hyper performante. Mais pas d’une sportive. La M5 continue donc sa mue, laissant les amateurs de conduite s’orienter vers une M3 beaucoup plus communicative et excitante. Et moins chère ? Oui (120 050 €), sauf que la “petite” M3 de 530 ch, G80 de son petit nom, s’accompagne en 2024 d’un malus de 60 000 €… dont se passe cette M5 hybride rechargeable. Passion : M3. Raison : M5.
Des performances folles ne suffisent pas à faire d’une berline un délice. Cette M5, en manque d’agilité, n’aime être bousculée qu’avec respect et prudence, en gardant dans un coin de la tête que 2,5 tonnes, ce n’est pas rien…
On aime
On aime moins
GAMME PROPOSÉE (BMW Série 5)
· Essence, 208 ch, de 62 850 à 37 200 €
· Diesel, de 197 ch à 303 ch, de 65 150 € à 80 500 €
· Hybride rechargeable, de 299 ch à 727 ch, de 71 650 à 159 050 €
· Electrique, de 340 ch à 601 ch, de 76 250 € à 107 550 €
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Conduire
Potentielles concurrentes
- Audi RS6, thermique V8 4.0 630 ch, à partir de 157 580 €
- Porsche Panamera Turbo E-Hybrid, PHEV V8 680 ch, à partir de 200 430 €
- Mercedes-AMG GT 4 portes, PHEV V8 843 ch, à partir de 224 500 €
Accélérations folles, vitesse maxi supérieure à 300 et technologies de pointe : il y a tout pour que cette nouvelle M5 fasse rêver. Mais la bavaroise, qui profite pour la première fois de roues arrière directionnelles, n'avait jamais été aussi lourde. Résultat, difficile de prendre son pied avec 2,5 tonnes entre les mains...
