Début septembre, Toyota et BMW annonçait franchir une nouvelle étape dans leur partenariat stratégique en associant leurs forces dans le développement de modèles à hydrogène. Si le constructeur nippon commercialise déjà la berline Mirai, dotée d’une pile à combustible, la firme à l’hélice n’en n’est pas non plus à son coup d’essai puisque plusieurs modèles de développement ont arpenté les routes du globe ces 10 dernières années. Mais, dès 2028, il sera pour la première fois possible d’acheter un modèle à hydrogène dans une concession BMW, très probablement un X5. Si l’annonce ne surprend pas les professionnels du secteur, qui connaissent les synergies déjà existantes entre les deux marques, l’insistance de ces constructeurs à poursuivre dans la voie de l’hydrogène peut intriguer, à l’heure où l’électrification par batterie semble la plus pérenne.
L’électrification en marche
En marge des Jeux Olympiques, où des dizaines de Mirai à hydrogène ont paradé dans les rues de Paris, Toyota organisait cet été un grand événement dans l’enceinte du circuit de Dreux, visant à démontrer son implication dans la recherche de multiples solutions pour convertir son offre à l’électrique d’ici 2030. L’occasion la marque de dressé un bilan devant les journalistes présents. Au premier semestre, en Europe, 74% des voitures vendues par Toyota étaient électrifiées (hybrides ou 100% électriques). Il faut dire que, malgré une avance certaines sur l’hybridation auto-rechargeable, le géant japonais accuse un certain retard par rapport à ses concurrents sur le marché des véhicules dépourvus de moteur thermique. « L’électrique à batterie que l’on pensait être la seule solution ne sera pas la seule solution », prévient Franck Marotte, Président de Toyota France. Qu’ils soient retardataires de mauvaise foi ou investisseurs prudents, les dirigeants de Toyota ne ferment aucune porte et imaginent concrètement un avenir ou l’hydrogène, en combustion ou associé à une pile à combustible, est une solution de mobilité décarbonée crédible.
Aujourd’hui, 90% des modèles électrifiés vendus par Toyota sont hybrides mais le ratio devrait progressivement évoluer. « Notre ambition c’est de faire beaucoup progresser, dès 2025, le PHEV, l’hybride rechargeable », prévient Franck Marotte. « Parce que c’est une technologique qui, en termes de coûts d’usage est très pertinente, en termes de consommations aussi pour des gros rouleurs, à condition de le recharger mais pour ça il y a une éducation à faire. (…) Ça va se transférer de l’hybride vers le PHEV, puis l’électrique à batterie va commencer à progresser beaucoup plus vite et l’hydrogène, sous toutes ses formes. »
L’hydrogène pour qui ?
Aujourd’hui, l’hydrogène est essentiellement utilisé pour fabriquer l’électricité grâce à la réaction obtenue par l’action de la pile à combustible, en le mélangeant avec de l’oxygène présent dans l’air. L’énergie produite est utilisée pour alimenter un moteur électrique et il ne ressort de cette opération que de l’eau qui s’écoule à la sortie d’échappement sous forme liquide ou gazeuse. Ainsi, il est possible de ravitailler sa voiture électrique en hydrogène en seulement quelques minutes, à peine plus qu’un plein d’essence, pour obtenir une autonomie 100% électrique similaire à celle d’un modèle thermique. Seule ombre au tableau, et pas des moindre, la distribution de ce carburant est complexe puisque l’hydrogène gazeux est stocké dans le réservoir à environ 700 bars de pression. Ce qui contraint les stations-services à de lourds investissements. Pas de quoi doucher l’enthousiasme de Cédric Borremans, en charge de la division Olympique et Paralympique chez Toyota et responsable de la filière hydrogène que nous avons pu interroger lors de l’événement organisé à Dreux. « Toyota et BMW ont annoncé qu’en 2028 ils sortiront une voiture destinée au grand au grand public », rappelle-t-il. « On ne sait pas où seront les investissements mais grâce à TotalEnergies et Air Liquide qui font faire des stations tous les 200 km pour les camions ça va commencer à se développer. »
Effectivement, c’est aujourd’hui de transport routier et collectif qui correspond le plus aux contraintes qu’impose l’utilisation de l’hydrogène. Les chauffeurs taxis, à Paris par exemple, peuvent bénéficier d’un réseau de station assez faible mais qui permet une utilisation fluide au quotidien. La flotte de Toyota Mirai en circulation dans la capitale pendant les JO en atteste. Mais il n’est pas à exclure que le grand public pourra, d’ici quelques années profiter de prix plus intéressants. « La pile à combustible, il y a 20 ans, elle coutait extrêmement cher, aujourd’hui on a réussi à baisser le prix significativement », explique Cédric Borremans. « Avec la génération 3, sur laquelle nous travaillons avec BMW, le volume va nous permettre de réduire encore les coûts pour éviter que ces problèmes de prix bloquent l’investissement dans les stations. »
Quel électrique d’ici 2030 ?
Peu de marques automobiles se lancent dans l’aventure de l’hydrogène. Hyundai commercialise depuis quelques années la Nexo et Toyota la Mirai et… c’est à peu près tout pour ce qui concerne les véhicules légers. Lors de sa présentation à la presse, Toyota permettait aux journalistes de découvrir des pick-up Hilux convertis à l’hydrogène et circulant déjà en test sur les routes du globe. Mais pourquoi se donner tant de mal quand l’écrasante majorité des concurrents se sont rangé derrière les modèles électriques à batterie ? « Que ce soient les batteries, pile à combustible ou moteur à injection, Toyota n’a pas la boule de cristal pour dire laquelle fera le plus grand bond en avant », prévient Cédric Borremans. « Et peut-être que tous les trois feront des bons en avant et qu’on restera sur ce multi-usage. » En misant sur tous les tableaux, Toyota minimise le risque de se faire dépasser par ses concurrents et anticipe également un possible retour en arrière sur la fin des modèles thermiques en 2035. Enfin, le premier groupe automobile au monde n’oublie pas qu’il doit aussi sa position dominante grâce à son implantation sur tous les continents. En avant dans toutes les directions, le constructeur pérennise son hégémonie en se mettant à l’abri des décisions politiques.
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En dépit du manque d’engament de l’état dans le développement d’infrastructures, Toyota continue de croire en la filière de l’hydrogène. Mais qu’est-ce qui pousse le constructeur à invertir quand ses concurrents se concentrent sur l’électrique à batterie ?